jeudi 24 octobre 2013

LA VIE D'ADELE - Chapitres 1 & 2

Bonjour Paris, Luxembourg, Bruxelles, Montréal. Nous sommes le 24 octobre 2013, il est 14h46 en GMT+1 et vous êtes tranquillement branchés sur internet à l'heure où je vous parle.
Du moins, je pense.

"Vu La Vie d'Adèle. 140 caractères, c'est pas suffisant."
 Première impression à chaud de Votre Serviteur hier soir.


Deuxième écrit sur ce blog consacré à nouveau sur notre beau pays du camembert et de la baguette. Et pas n'importe quel film! La Vie d'Adèle, la Palme d'Or signée Abdellatif Kechiche! Du haut de ses 19 ans, c'est la très jolie Adèle Exarchopoulos qui tient le premier rôle du film accompagnée de la déjà célèbre Léa Seydoux. Mais, à tout film français attendu qui se respecte, on a encore eu le droit une polémique - cette fois-ci interne - montrant des conditions de tournage déplorables et un réalisateur prêt à tout pour boucler son film, quitte à mettre "la vie" de ses acteurs en danger. Bref, de beaux moments médiatiques en perspective... Toujours est-il que j'ai pu enfin voir ce film hier et que j'étais fier d'être le spectateur le plus jeune de la salle au milieu de hooligans sexagénaires... Et autant vous prévenir que je n'y connais rien aux autres films du bonhomme.



Réalisé par Abdellatif KECHICHE
D'après la bande dessinée Le Bleu est Une Couleur Chaude, de Julie MAROH
Scénario: Abdellatif KECHICHE, Ghalya LACROIX
Avec: Adèle EXARCHOPOULOS, Léa SEYDOUX, Jérémie LAHEURTE...
Durée: 2h59
Sortie française en salles: 9 octobre 2013
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement


L'HISTOIRE: Évocation de la vie d'Adèle. De sa classe de 1ère L à 16 ans jusqu'à son boulot d'institutrice à 20 ans. De sa quête de sens à sa quête du sens du mot "femme", de sa première conquête amoureuse jusqu'à sa plus importante...



Clairement, on sent que le film de Kechiche est scindée en deux parties, comme le veulent les bandes dessinées de Julie Maroh. Dans un premier temps on est avec Adèle: on découvre, on sent, on observe. Les prises de vue que proposent le réalisateur nous permettent de s'approprier le flair de la jeune fille. Le film verse alors dans tout d'abord une expérience sensitive, sensorielle, le besoin de tout savoir, de comprendre son corps quitte à ne plus se fixer de limites, oubliant un côté trop documentaire voir "scripted-reality" au départ qui aurait pu faire défaut. Cette jeune femme ne sait pas encore tout, se cherche et cherche quoi penser sans jamais vraiment trouver de véritable solution. Survient alors sa rencontre avec Emma, la fille aux cheveux bleus, représentation idyllique du vide que souhaite combler Adèle. Parce que, que lui manque-t-il vraiment? Son orientation, sa liberté, ses désirs, le savoir culturel? Emma représente tout pour elle. Le plan-séquence dans le bar est peut-être ce qu'a pu faire de mieux Abdellatif Kechiche de tout le film: la quête de sens d'Adèle l'insouciante au premier plan, qui avance en tournant la tête et en découvrant le monde auquel elle souhaite désormais appartenir. En arrière-plan et floutées, les choses qu'elle souhaitent découvrir, mais qu'elle ne connaît pas encore. Dans ces rôles, on retrouve deux actrices touchées par la grâce, aux talents indubitables: Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux. Les deux protagonistes portent le film à elles seules sur leurs épaules, font une prestation impeccable de par une alchimie magnifique et grandissante minute par minute. L'intimité que propose Kechiche flirte avec le jusqu’au-boutisme, à travers ses scènes de sexe très crues mais souvent pleines de sens et extrêmement regardables. Les deux seules séquences assez gênantes pouvant même être choquantes seraient les deux au milieu du film qui sont au départ belles, charnelles, d'une beauté à ravir (l'absence totale de musique y est pour quelque chose aussi) mais malheureusement elles s'étirent en longueur et commencent à devenir pesantes, lourdes et tiennent plus du voyeurisme que de l'observation, la faute sans doute à un passage trop brutal entre un enchaînement grandiose de gros plan à un plan fixe général ressemblant à un début de film pornographique. Cela devient malheureusement plus provocateur et c'est dommage. Mais par chance, Kechiche tourne vite la page et propose cette fois-ci un "choc" des deux mondes: celui de l'hétérosexualité et de l'homosexualité. Cette barrière, il la montre grâce au repas chez les parents, ceux d'Emma, où l'homosexualité est assumée sans soucis, où la liberté amoureuse et sexuelle est d'ordre; et ceux d'Adèle, qui ne se posent pas de questions et chez qui l'homosexualité n'existe pas. L'alternance des deux passages avec des scènes de sexe (beaucoup plus courtes) restent tout de même assez agréables et ne rentrent jamais dans le politiquement incorrect. On vient de vivre 90 minutes de qualité. On ne suit plus Adèle, on EST Adèle.

La deuxième partie du film quant à elle n'est pas aussi excellente que la première. En effet tout d'abord il s'avère difficile de voir Adèle grandir, prendre un an en un seul plan et sans véritable transition apparente. Que deviennent les parents d'Adèle? Que s'est-il passé entretemps et comment le couple entre Adèle et Emma a-t-il pu battre de l'aile? La maitrise technique de Kechiche devient déjà plus grotesque (les plans du repas avec l'écran en arrière-plan s'avèrent subtils au départ puis trop faciles lorsqu'il accentue la clarté de ce même arrière-plan) mais bienheureusement Adèle Exarchopoulos met les bouchées doubles et impressionne encore plus lorsqu'elle se retrouve seule. Non, le problème vient vraiment de l'ellipse, que l'on a du mal à comprendre: en un éclair Adèle est étudiante puis institutrice de maternelle puis de CP. En 10 minutes. De plus pourquoi le réalisateur cette fois-ci nous cache l'intimité sexuelle d'Adèle alors qu'il nous déballait toute sa vie dans la première moitié du film? Là est le problème d'Abdellatif Kechiche: dans la première partie le réalisateur a poussé deux portes, celles de la liberté de l'amour et celle de la liberté de l'orientation sexuelle. Pourquoi donc s'est-il vu obligé d'en fermer une afin de se consacrer à 200% sur l'autre alors que les deux sujets sont facilement complémentaires et qu'il allait tout droit vers un coup de maître? Idem pour la scène du restaurant qui malheureusement n'est pas assez forte pour nous soutirer quelques larmes malgré une discussion difficile. Ainsi la finesse de Kechiche se transforme en un bulldozer qui filme de façon moins percutante l’héroïne du film. On ne peut pas parler cependant d'un ratage complet: les scènes avec les enfants sont vraiment attirantes et très bien filmées, montrant la communion de la jeune femme avec les personnes qu'elle a toujours voulu éduquer; et la façon dont Kechiche accentue ses gros plans pour montrer la détresse d'Adèle dans un environnement (la communauté lesbienne) qu'elle connait pourtant mais dont elle essaie de continuer de s'accrocher restent superbes. Depuis Brad Pitt dans Fight Club je n'avais jamais autant ressenti de choses quand quelqu'un fume une cigarette. 



Voilà ce qu'on peut dire de cette Palme d'Or. Perso on s'en fiche que Kechiche soit un salaud sur les tournages, le résultat est là. A la manière d'un oscilloscope, Adèle découvre sa vie, sa VRAIE vie, à travers une maîtrise technique et une mise en scène subjuguante, voit le bonheur puis découvre le malheur et la détresse. Nous, on est spectateur, prêts à intervenir et à la rassurer, en vain. Nous ne sommes que des disciples qui écoutons un conte, celui de la vie. Je tiens toutefois à dire que non, ce n'est pas un film homophobe ou qui emplit de clichés la femme homosexuelle. Ici, l'homosexualité n'est que prétexte à une liberté revendiquée. Dommage que le rythme et les idées s'essoufflent ensuite dans la deuxième partie même si l'actrice principale reste la grande révélation du film. Si vous avez l'esprit assez mature (pas comme le CPE de mon lycée qui rigolait derrière moi devant les scènes de cul, consternant) et du temps libre, voilà un film recommandable. Mais de là à crier au chef-d’œuvre...




Note: 7.5/10

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